Chapitre 5 : Voyage dans les Landes

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"Yven, prends le petit nouveau avec toi et allez à la porte, quand je vous le dirais, ouvrez la porte et entrez. Au moindre mouvement, ressortez directement. Les autres avec moi dans les fourrés l'arc à la main." 

Les hommes se mirent en branle et chacun à son poste, ils attendirent l'ordre de l'officier. C'était la première expédition d'Aoras et pour fêter ça, les hommes voulaient lui montrer de près les horreurs des Landes.

Le premier jour de l'expédition, alors que le gros de la troupe était encore arrêté dans un village près de la frontière, les éclaireurs avaient capturé un réanimé qu'ils avaient ramené au camp. C'était le premier que voyait le jeune homme et le qualifier de vision d'horreur serait peu dire. Lui qui était habitué à la vie de cour de Gelonde, il n'avait jamais été préparé à ceci. L'homme, ou ce qu'il en restait après quelques centaines d'années de non-vie, ressemblait à un squelette que l'on aurait recouvert de cuir tanné. Des mèches de cheveux épars étaient encore accrochées à son crâne nu, ses vêtements en lambeaux pendaient de sa silhouette et ses côtes saillaient révélant un ventre et une cage thoracique vides de toutes matières. Mais le plus terrifiant était ses yeux. Des yeux humains, en parfait état, d'une teinte violette qui ne laisserait pas indifférent ces dames… Sur un autre corps. Ces yeux étaient vivants, semblaient refléter une intelligence, une âme humaine, presque à supplier qu'on le relâche, mais la chose, enchaînée à un arbre ne communiquait qu'en râles bestiaux. Sa respiration, si une telle chose respirait, sifflait entre les dents qu'il lui restait et les côtes apparentes. L'officier lui avait demandé d'achever la bête et c'est ce qu'il avait fait en lui plantant son épée dans la crâne. Aussitôt fait, les yeux du réanimé perdirent leur éclat violet pour devenir gris et le corps, lentement, se désagrégea en poussière. 

Le deuxième jour il traversèrent la frontière et le troisième jour ils s’enfoncèrent sans incidents dans les Landes. La quatrième journée cependant ils croisèrent une petite troupe de réanimés. Ils n'étaient guère plus qu'une dizaine, mais l'officier prit toutes les précautions possibles pour que personne ne reçoive la moindre blessure. Les armes des réanimés sont aussi vieilles qu'eux même, soit rouillées et émoussées. Ainsi si leurs épées ne coupent plus, il n'empêchent qu'elles broient les os et déchirent la chair. Ainsi Aoras vit son premier combat contre des réanimés, bien qu'il fut bref. 

Mais en ce quatrième jour, ils virent au loin de la fumée dans le ciel. Les soldats même les plus anciens n'avaient jamais vu de réanimé faire de feu ni d'humains toujours en vie et seul aussi loin dans les Landes. Car si le groupe n'avait pas été réellement menacé depuis le début du voyage, c'était que les éclaireurs repèraient les monstres et déviaient la course de la troupe. Mais les Landes grouillaient de réanimés et une fois qu'ils vous avaient en chasse, il ne vous lâchaient jamais. Ainsi, un signe de vie en plein territoire mort paraissait suffisamment suspect pour que l'officier ordonne de s'approcher de la source de la fumée. Et c'est ainsi qu'Aroas se retrouva à la porte d'une petite chaumière à moitié en ruine dont la cheminée fumait légèrement. 

Le jeune homme vit l'officier leur faire signe et Yven se précipiter sur la porte qu'il ouvrit dans un grand fracas. Il disparut dans l'ouverture et Aroas suivit, plein d'appréhension, l'arme à la main. La chaumière était délabrée. Une des poutres qui soutenaient le toit s'était cassée d'un côté et le toit semblait pouvoir s'écrouler à tout moment. Les meubles étaient depuis longtemps en miettes, mais celles-ci avaient été ramassées et disposées en pile, à côté de l'âtre dans lequel rougeoyaient encore quelques bûches. Aroas retourna à la porte signaler à l'officier que la chaumière était vide et bientôt celui-ci les rejoints. 

"Alors dites moi, qu'avons nous là ?" demanda-t-il. 

"La chaumière semble abandonnée depuis aussi longtemps que les Landes mais il y a des traces de passage récent. Quelque vagabond y a sans doute passé la nuit." répondit Yven. 

"Et sinon, peux-tu m'apprendre quelque chose que je ne sais déjà ? 

  • Non monsieur, j'ai bien peur de ne rien pouvoir vous apprendre de plus." 

L'officier se tourna vers Aroas en soupirant. 

"Et toi alors, est-ce que tu sens quelque chose ?" 

Le jeune homme, effectivement, sentait quelque chose. En effet, faisant partie de la noblesse, certe petite mais noblesse tout de même, il était censé être dispensé du service militaire, qui plus est dans le pays voisin. Mais c'était sans compter sur son aptitude à sentir la magie, et les traces qu'elle laisse derrière elle. S'il ne sait pas réellement s'en servir, il peut néanmoins en déceler certaines nuances et dans cette chaumière il en décellait 2 différentes. L'une repoussante, presque putride, mais moins infectée que celle émanant des réanimé et de la Lande, nuance qui l'avait rendu malade tout le deuxième jour. La deuxième était plus subtile, presque invisible mais pas tout à fait. Elle semblait essayait d'imiter la senteur de l'autre pour se cacher. La déduction était à partir de là plutôt simple. 

"Deux êtres liés à la magie sont passés par ici. Si l'un est passé il y a environ 1 semaine, j'ai plus de mal à situer l'autre. Son odeur… Se mêle à celle du premier. À part vous apprendre que le feu a été allumé par magie je ne peux rien vous dire de plus." 

L'officier acquiesça et sembla songeur un moment. Puis il demanda.

"Pourrais-tu suivre une de ces odeurs et nous mener jusqu'à l'être à qui elle appartient ?" 

Aroas se concentra sur l'odeur la plus insistante et chercha à la cerner. Passer du temps en un lieu l'impregne de notre odeur, mais le quitter devrait laisser une fine ligne partant de cet amas dans la chaumière. Il se dirigea vers la porte, cherchant cette ligne et finalement la trouva, flottant dans l'air devant lui. La deuxième odeur était toujours associée à la première et la piste était nette. Elle le resterais sans doute longtemps puisque la seule chose capable d'effacer une telle piste est la présence d’un autre être vivant, et ceux-ci ne sont pas courants dans les Landes. 

"Oui je pourrais certainement suivre cette piste monsieur. Voulez vous qu'on traque l'être à qui appartient cette odeur ?" 

L'officier, qui suivait la recrue, mit une tape sur la tête de celui-ci et dit. 

"Imbécile, nous n'avons ni le matériel ni la nourriture pour une expédition prolongée ici. De plus, qui que soit cet homme ou cette bête, les Landes sont un endroit dangereux pour des personnes seules ou même à deux. Nos inconnus ont eu de la chance d'arriver jusqu'ici, mais peu importe où ils veulent aller, la mort viendra certainement les faucher avant qu'ils n'arrivent. Non, continuons sur l'itinéraire prévu, et rentrons, tu reviendras bien assez tôt ne t'en fais pas."

Yven prit Aroas par l'épaule tandis que les hommes riaient devant la chaumière. 

"Ne t'en fais pas petit, le chef peut parfois être un peu dur mais c'est bien pour ça qu'il est si bon à son poste. Dis toi que toutes les erreurs que tu pourrais faire, il les a déjà faites et il en a souffert. Tu ne seras pas loin de la vérité et tu comprendras mieux pourquoi il agit comme il le fait."

Yven partit rejoindre les hommes et Aroas suivit. Il était curieux de savoir à qui pouvait appartenir cette aura se déguisant en d'autres et qui lui semblait étrangement familière. Mais il semblait qu'il allait devoir continuer à patrouiller une terre nauséabonde vide de vie pour les jours à venir. 

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